Nous sommes en 2017, et Joseph Kabila entretient encore le flou quant à son avenir politique. Après le coup d’État constitutionnel manqué de 2016 au cours de laquelle il a tenté de changer la constitution, générant une crise politique majeure conduisant à deux dialogues successifs, l’ancien président ne révélait pas toujours ses ambitions politiques à la base des tensions.
En 2018, l’ancien représentant des Etats-Unis à l’ONU Nikki Haley arrive à Kinshasa et exerce une pression maximum sur l’ancien président pour fixer son ambition et déclarer qu’il ne sera pas candidat à une élection présidentielle. Cela ne change pas pour autant l’attitude de Joseph Kabila jusqu’à ce qu’un événement hors circuit politique le fasse changer d’avis.
A ce moment-là l’opposition résiste toujours pour poser des candidatures à la présidentielle car craignant une candidature surprise de Kabila avant la fin du dépôt des candidatures. Cela provoque l’impasse dans le processus électoral. L’événement hors circuit politique qui fait changer d’avis Joseph Kabila n’est autre que son fils Laurent Kabila Junior. Laurent pour lequel le papa jouit d’une grande affection dira à son père avant de se rendre à l’école : “Papa, je sais que dans quelques jours tu ne seras plus Président mais tu resteras toujours mon héros, mon père et mon Président”. Cette phrase aura suffit pour faire revenir en arrière un homme qui cachait jusque-là ses ambitions car ne voulant pas trahir son fils qui a grandi et qui sait déjà lire les événements politiques. C’est ce jour-là que Joseph Kabila a réuni les siens et a décidé de l’impensable: son départ du pouvoir et la désignation d’Emmanuel Shadari comme candidat président de la république.
La candidature de Shadari ne passera pas inaperçue car l’homme ne jouit pas d’une bonne réputation dans le pays. Présenté comme étant sulfureux et de sang froid et peu amical avec le peuple, d’aucun pense que la candidature de Shadari est une diversion. Cette opinion pense que Kabila, en réalité, soutiendrait une autre candidature au sein même de l’opposition. L’échec est presque déjà prononcé au départ pour Shadari malgré des moyens colossaux qu’ils ont déployés.
Dans la foulée, et suivant cette annonce de la candidature de Shadari, s’est formée une coalition des partis d’opposition depuis Genève qui veut bloquer l’ambition du président Kabila de contrôler le pouvoir à travers son dauphin. Dans cette coalition se réunissent toutes les figures de proue de l’opposition congolaise. Comme par surprise, un candidat commun de l’opposition est désigné et ça sera Martin Fayulu. Cette désignation suscite un tollé au sein du plus grand parti de l’opposition des tous les temps, l’UDPS, qui s’attendait au choix de son leader. L’intervention de Felix Tshisekedi qui tente de calmer les masses de l’UDPS en appelant à soutenir la candidature de Fayulu: “Aujourd’hui le changement s’appelle Martin Fayulu” déclara-t-il, n’avait pas suffit pour calmer la tension. Le rejet de la candidature de Fayulu par l’UDPS donnera lieu à un jeu purement Machiavélique car cela amène Kabila à préparer une offre juteuse qu’il entend mettre sur la table de ce Parti au moment venu. Des contacts sont établis à l’initial. Tshisekedi rebiffe de sa signature de l’accord désignant Martin Fayulu pour confirmer sa candidature dans CACH une nouvelle plateforme qui lie à Vital Kamerhe.
L’élection présidentielle de 2018 est très disputée à travers le pays. La candidature de Shadary se révèle être un fiasco politique et ne connaît que très peu d’adhésion des masses en dépit du fait que le candidat a réuni pour sa candidature toutes les personnalités influentes de tous les coins de la République. Pour une fois, le vote à base ethnique n’a pas fonctionné. Pour Kabila et les siens c’est le désaveu total. La candidature de Tshisekedi est un fiasco aussi car son profil est rattaché dans l’opinion à Joseph Kabila. Le candidat de l’UDPS est accusé de faire le jeu du pouvoir de Kabila pour déstabiliser la candidature unique de l’opposition. Il est même peint comme étant le véritable dauphin de Joseph Kabila. Cela a fait plonger sa popularité et divisé son Parti en deux blocs. L’un des blocs préférant suivre son mot d’ordre et préférant voter pour Fayulu. Fayulu est sans doute le vainqueur de l’élection. Il est sans doute le gagnant du doute qui pèse sur Tshisekedi, autrefois homme le plus populaire du pays. Fayulu dirige un petit Parti à l’époque, l’ECIdÉ, qui ne fait pas trop le poids politique. Il cumule dans ses votes une partie des voix des masses populaires de l’UDPS qui a tourné le dos à Félix pour se prévenir du doute. Mais le destin de Fayulu tourne lorsque Kabila refuse de lui rendre le pouvoir sans des garanties pour lui-même et les siens. Quelque chose à laquelle s’oppose farouchement le vainqueur conditionnel de l’élection qui n’est pas prêt pour faire des concessions. Pas de choix pour Kabila que de revenir tenter chez Felix Tshisekedi. Pour Felix Tshisekedi et Vital Kamerhe, proclamer Shadary Président est la ligne rouge à ne pas franchir. Ils promettent de ne pas soutenir un tel choix et de se joindre à leur ancien bloc LAMUKA pour faire barrage. Tshisekedi est prêt à coopérer pour être Président. Il accepte toutes les clauses. À Kabila et aux siens de choisir.
C’est une élection qui ressemble à un compromis à l’africaine, mais pas seulement. Ce deal a fait intervenir aussi la communauté internationale impliquée dans les démarches à travers la MONUSCO avec chacun tentant de tirer son épingle du jeu.
Fayula est sacrifié et personne n’accorde du poids à ses revendications. A l’ONU, une décision est prise d’accepter les résultats pour préserver la paix, avec l’espoir de travailler au fil des cinq prochaines années pour assurer aux congolais de meilleures élections en 2023. Joseph Kabila s’en sort bien pour le moment et réussit à faire adhérer Tshisekedi à un plan visant à gouverner le pays collégialement. Aux yeux de l’opinion, il est clair que Kabila s’est offert Tshisekedi pour préserver ses intérêts. Mais tout le monde accorde le bénéfice du doute à Felix Tshisekedi: c’est un congolais, il finira par le comprendre et prendra ses responsabilités. Surtout, comme le pense une source onusienne, une fois que tu as porté la toge du Président de la République, personne ne pourra te l’arracher.
Le destin de Kabila et les siens tournent vite avec l’immixtion des américains qui tentent à tout prix de reprendre les mines congolaises et bouter dehors les chinois qui ont acheté la plupart des mines stratégiques du pays. Felix est conduit à violer l’accord avec Kabila moyennant des garanties sécuritaires de gérer Kabila en cas de problème. Kabila venait de perdre la manche et il le sait déjà. Mais il ne dira pas son dernier mot. Dans ses contacts politiques, Kabila affirme que sa plus grosse erreur est d’avoir accepter de quitter le pouvoir et de rendre le pouvoir à Tshisekedi. Les tensions montent. Les proches de Joseph Kabila multiplient les avertissements de déstabilisation du pays en cas de rupture de l’accord du pouvoir. Il y aura des rébellions partout, cite une source. Des tentatives initiales de mettre la main sur Joseph Kabila telle que la plainte des avocats canadiens à la cpi contre Kabila, est perçue comme étant une tentative du pouvoir de le faire taire. Il s’est réfugié à Kashamata avant de rejoindre la Namibie. La toute puissance de Tshisekedi passe mal.
Aujourd’hui, la RDC est à la croisée de son destin avec des groupes armées réactivés dans tout le pays. La perte de pans importants de son territoire aux mains de groupes tels que le M23 soutenu par le Rwanda et auquel se sont alliés des proches de Joseph Kabila dont Corneille Nangaa. La nouvelle coalition militaire menée par Nangaa menace de déloger Tshisekedi du pouvoir avec la promesse de réparer une injustice et une erreur stratégique sciemment commises en 2018.
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