12 avril 2021
L’Oiseau perché
Le métier politique en RDC, bien plus qu’une passion pour la défense des droits du peuple, est aussi conçu comme une couverture contre des poursuites légales.
Les politiciens congolais forment une classe imperméable sur laquelle les lois du pays s’appliquent sélectivement.
Lorsqu’un politicien se sent inquiété pour non paiement des impôts ou autres dossiers civils, il mobilise la population pour dire non à ce qu’il considère comme une chasse à la sorcière et un acharnement.
En RDC, la plupart des politiciens ne déclarent pas leurs impôts et ils ne s’acquittent pas des charges légales. C’est beaucoup plus inquiétant lorsqu’on réalise que la classe politique congolaise n’est pas faite que des citoyens ordinaires mais aussi des hommes d’affaires.
OPPOSANTS POLITIQUES ET HOMMES D’AFFAIRES
Ces quinze dernières années, en RDC, des hommes d’affaires ont migré vers la politique et ils ont pris le contrôle des girons de l’Etat.
La situation de la RDC n’est pas loin de ressembler à celle de la Russie de Boris Yeltsin, sous l’emprise des hommes d’affaires oligarchs.
Des hommes d’affaires contrôlent tant l’Opposition politique que les circuits du pouvoir et prospèrent dans tous les deux camps.
Entre défendre les intérêts légitimes du peuple et ses affaires privées, le mariage n’a jamais été aussi solide même si ces dernières paraîssent contraires à la notion de l’intérêt général.
Dans le moral populaire congolais, ceux qui prennent le risque de dénoncer les aléas du pouvoir sont vus comme des vrais héros. Ils sympathisent avec la population et parviennent à s’offrir de facto une certaine protection nécessaire venant d’elle.
Lorsque des opposants sont poursuivis dans des affaires légales (notamment celles liées au fisc), ces derniers crient à une chasse à la sorcière.
Aux yeux du peuple congolais, toute poursuite même légale et légitime visant un opposant est perçue comme une manœuvre dilatoire du pouvoir de le faire taire. La population sera toujours prête à marcher pour demander sa libération en cas d’arrestation. Elle accorde moins d’attention au profil des hommes politiques et leur côté transparent concernant des obligations dues à l’Etat.
Dans le pays, des services compétents ont du mal à faire correctement leur travail.
En 2020, l’hôtel Faden House, appartenant à l’homme d’affaires et opposant Martin Fayulu, a été scellé par le parquet pour non paiement des impôts. En 2018, ce même hôtel avait été aussi mis en arrêt de service pour les mêmes manquements.
L’opposant lui-même et ses sympathisants ont toujours perçu cela comme un acharnement du pouvoir. Il a toujours taxé les manœuvres du fisc de traitement sélectif et pour ses fidèles, l’Opposant subit des pressions de la part du pouvoir.
La problématique de non paiement des impôts et taxes est l’un des enjeux de taille dans le pays. Des opposants qui tiennent à transformer la société devront d’abord commencer à s’acquitter de leurs charges, en payant à temps leurs impôts.
Depuis toujours, l’hôtel Faden house fonctionne sans s’acquitter de ses impôts naturellement. Le fisc finit alors par lâcher prise après des pressions du peuple et l’influence des hommes politiques.
Il en est de même des Opposants qui sont poursuivis dans d’autres affaires légitimement légales (telles que le viol ou abus de l’autorité) sont relâchés sans qu’ils aient à suivre la procédure judiciaire en entièreté suite aux pressions et aux critiques du peuple.
Ainsi, la loi a du mal à s’appliquer pour tous en RDC. Elle s’applique pour quelques-uns.
ALLIES AU POUVOIR ET HOMMES D’AFFAIRES
Certains hommes d’affaires préfèrent fuir ce qu’ils qualifient de « traitement sélectif » en s’engageant aux côtés du pouvoir.
Appartenir au camp au pouvoir permet à ces hommes d’affaires de mener à bien leurs activités sans s’inquiéter de la loi et du fisc.
La plupart des hommes d’affaires se trouvant dans le camp du pouvoir ne paient pas d’impôts. Certains doivent à l’Etat congolais.
Cependant, lorsque leur statut d’amis du pouvoir bascule quand ils tombent en disgrâce, ils rejoignent tout de suite l’opposition pour se munir de la protection du peuple.
Dans la plupart des cas, le pouvoir a tendance à demander des comptes légitimes à ses anciens collaborateurs politiques et hommes d’affaires. Ils sont d’un coup rétablis dans leurs devoirs de citoyen pour payer des dûs à l’Etat.
Compagnons du pouvoir d’hier, lorsque ces hommes d’affaires migrent vers l’opposition, leur statut change aussi. Pour le peuple, ils deviennent une proie pour le pouvoir.
Lorsque l’Etat leur demande de payer des arriérés sur les impôts ou qu’ils sont poursuivis pour des causes légitimement légales, ils se font passer pour des victimes aux yeux de la population.
C’est le cas de l’homme d’affaire millionaire et politique Moïse katumbi qui s’est tourné vers l’opposition après sa rupture avec l’ancien président Joseph Kabila. Les poursuites des arriérés sur les impôts l’avaient poussé à vendre ses parts dans une société clé MCK.
L’homme d’affaire et politique Gabriel Mokia est devenu un opposant farouche à Kabila après leur séparation.
L’homme d’affaires et politique Modeste Bahati, plusieurs fois ministre sous l’ancien président, est devenu un opposant à ce dernier, sous les règnes du nouveau président Félix Tshisekedi. Il est sous les viseurs du fisc pour des impôts non payés depuis 1998 avec sa flotte de sociétés RÉGAL mais il tente de se rapprocher du nouveau pouvoir, visiblement à la recherche d’une protection.
Aux yeux de la population, ce dernier n’est rien d’autre qu’une victime de la manipulation du clan de l’ancien président sur les services publics.
Depuis 2019, la RDC a un nouveau Président et plusieurs hommes d’affaires ont déjà migré vers lui. C’est le cas de Adam Bombole et autres.
En étant avec le nouveau pouvoir, ils sont sûrs de jouir d’un ordre préférentiel et quand ils le quitteront, pour une raison ou une autre, certains basculeront dans l’opposition pour protéger leur gain contre des poursuites judiciaires légales.
ILS PAIENT LES IMPÔTS À LA PLACE DES RICHES
Dans un tel contexte, en RDC, ce sont des pauvres qui paient en grande partie des impôts plutôt que des riches.
C’est ce qui traduit aussi la modicité du budget congolais et l’incapacité de l’Etat à mobiliser même ses plus maigres recettes.
Les hommes d’affaires opposants comme les sympathisants du pouvoir ne paient pas d’impôts et ils ne s’acquittent convenablement des charges légales d’import-export. Les Opposants comptent sur l’appui inconscient du peuple congolais, ceux du pouvoir comptent sur la main protectrice du pouvoir mais ces derniers finissent toujours par rejoindre les Opposants lorsque leurs statuts changent.
ILS ABUSENT DE LEURS LIBERTÉS INDIVIDUELLES
Dans un autre chapitre, des Opposants qui sont poursuivis pour d’autres causes telles que les abus sur la propriété privée, des insultes publiques et/ou de détournement des fonds bénéficient eux aussi de la protection de la population qui ne voit que la main du pouvoir pour les mater.
Mike Mukebayi, un Opposant congolais condamné pour insultes grossières en l’encontre du Chef de l’Etat et d’autres politiciens ont reçu le soutien du peuple et de l’opposant Fayulu qui ont vu en cette condamnation une tentative du pouvoir de le faire taire.
Eugène Diomi Ndongala, un Opposant à l’ancien président Joseph Kabila a été condamné pour viol sur mineure avec des preuves évidentes. Son cas a été relayé dans la population comme étant un règlement de compte du pouvoir.
Le peuple et d’autres Opposants ne cessaient de demander sa remise en liberté. En 2018, Il a été relâché.
LA CLASSE POLITIQUE, UN ESPACE POUR DES HORS LA LOI
A vrai dire, la classe politique congolaise s’est construire comme étant un espace des hors la loi.
C’est une classe de gens jouissant d’un traitement préférentiel par le simple fait d’appartenir à l’un des deux camps opposés dans la politique.
Les lois du pays ne s’appliquent que sur le citoyen ordinaire mais qui a plus à espérer des autorités qu’à offrir.
À Kinshasa, des immeubles appartenant à des autorités politiques fleurissent mais seuls quelques-uns paient l’impôt foncier qui doit être l’une de ressource financière principale du pays.