En République Démocratique du Congo (RDC), la succession à la tête de la très polémique Commission Electorale (CENI) est devenue une question d’intérêts stratégiques. Jusqu’il y a quatre années, cette question n’avait pas attisé autant de passions dans le pays. Pendant ses dix-sept ans de règne à la tête du pays, l’ancien Président Joseph Kabila s’était taillé une majorité confortable au Parlement congolais qui le plaçait à l’abris des caprices politiques. Une Loi organique régissant le fonctionnement de la CENI, révisée et promulguée en 2013, organise la Plénière de cet organe à treize membres.
Depuis le mois de janvier 2019, Joseph Kabila n’est plus Président mais ce dernier a remporté la majorité au Parlement à l’issue des élections générales tenues dans le pays fin 2018. Son successeur au pouvoir, Felix-Antoine Tshisekedi, est lui connut du grand public pour appartenir à l’UDPS, le plus vieux parti d’opposition dans le pays qu’il a conduit aux élections.
Au nouveau parlement congolais, des groupes parlementaires se sont mis en place. Le parti UDPS, officiellement au pouvoir, qui compte douze députés dans l’hémicycle, s’est constitué en groupe parlementaire UDPS et alliés. La majorité parlementaire tenue par Joseph Kabila et issue du FCC, s’est aussi moulue en groupes parlementaires. Des partis d’opposition sous le label LAMUKA se sont aussi constitués en groupe parlementaire.
Au mois de juillet 2020, après que la Présidente de l’Assemblée nationale ait reçue les huit chefs des confessions religieuses officielles du pays, ceux-ci étant organiquement et suivant la Loi sur la CENI, destinés à proposer un Président pour cette Institution, les chefs religieux avaient obtenu le quitus pour en choisir un de nouveau en remplacement de Corneille Nangaa arrivé fin mandant et actuellement, sous sanctions financières internationales imposées par les Etats-Unis et l’Union Européenne.
Dépourvue de majorité parlementaire, Felix Tshisekedi est en coalition gouvernementale avec son prédécesseur. Dans l’esprit de la Loi organique en vigueur, les six places dans la plénière de la CENI réservée à la majorité parlementaire reviennent au Front Commun pour le Congo (FCC) de Kabila majoritaire au Parlement. Les quatre autres places sont réservées à l’opposition et donc, au banc LAMUKA. La société civile elle, se taille trois places. Le Président provenant de la Société Civile, des Confessions religieuses, et son vice-président de la majorité parlementaire. Dans ce calcul, l’actuel parti au pouvoir se place nulle part et ce jeu révolte le pouvoir de Kinshasa. Pour l’UDPS, impossible de ne pas avoir un œil au sein de la Plénière de la CENI.
Ce parti qui est déjà en coalition gouvernementale avec le FCC, peut négocier avec quelques têtes stratégiques à la CENI. Le FCC pourrait, pour sa part, user d’une telle main tendue pour demander davantage de concessions au parti au pouvoir sur certaines questions stratégiques. A l’UDPS, des sources proches rapportent que le parti est moins tenté de tendre la main. En même temps, ce parti peut négocier avec le banc LAMUKA avec lequel il entretient des rapports stables pour obtenir tout au plus une tête à la plénière de la CENI. Une telle demande renforcera la position de l’Opposition qui ferait davantage des demandes parfois intenables à Tshisekedi. Pour ces opposants, le mariage entre le Président actuel et son prédécesseur est un mariage contre-nature. Ils appellent à le casser pour le bien, disent-ils, du pays. A l’UDPS, cette autre option n’est pas négligée mais simplement pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, le parti au pouvoir se trouve entre le marteau et l’enclume, préférant ne pas avancer. Le parti, à travers ses colistiers, tentent de s’offrir une troisième voie qui est celle d’un Président de la CENI qui sympathiserait. Les noms de quelques proches du Président congolais reviennent dans la presse locale comme tentant d’influer sur le choix du futur Président de cet organe. Quelques chefs des confessions religieuses disent avoir été inquiété, intimidé et ou menacé de renverser le choix déjà porté sur un prétendant à ce même poste pour prendre un ticket du Chef de l’Etat. Le représentant de l’armée du Salut, Colonel Lucien Lamartinière affirme lui que son passeport Canadien est retenu par les services de sécurités depuis juillet qui menacent de l’expulser du pays. Au sein de la société civile, des acteurs craignent que le parti au pouvoir ne cherche à puiser dans le quota lui réservé pour compenser son vide au bureau CENI. Dans une série des communiqués quelques organisations ont déjà annoncé qu’un tel forcing serait une atteinte à l’indépendance de l’Institution.
Publiquement, le parti UDPS a rejoint les appels des églises catholiques et protestantes et quelques mouvements de la société civile qui appellent à sursoir avec le choix déjà amorcé des animateurs de la CENI pour la reformer au préalable. Lesdites réformes structurelles pourraient apporter une bouffée d’oxygène à l’UDPS dans sa quête de se tailler une place à la CENI. L’opposition LAMUKA a aussi rejoint les appels à la reforme préalable. Le FCC de l’ancien Président continue d’afficher sa désapprobation avec le projet qui vise à passer préalablement à des reformes qui, à en croire le bloc, devraient prendre tout au plus trois années et donc, pourraient entrainer un report des élections générales prévues en 2023. Ce bloc est aussi suspicieux devant la proposition d’opérer un recensement général de la population congolaise avant toute élection prochaine taxant cela de manœuvres dilatoires pour retarder des élections.
La RDC est un pays d’Afrique centrale actuellement en pleine transition démocratique. Après trente-deux ans de dictature Mobutiènne, le pays s’est doté d’une constitution proclamée en 2006. Trois processus électoraux ont été successivement organisé dans le pays et un quatrième est prévu en 2023.