10 novembre 2021, Par L’Oiseau perché
En RDC, la rivalité entre l’Église et l’État semblent s’accentuer et l’histoire ne fait que se répéter.
Après des élections tumultueuses en 2018 dont les résultats furent contestés par l’Église catholique, cette dernière accepta enfin de collaborer avec le même régime à cause, en partie, des relations entre les États ( Vatican et la République Démocratique du Congo » RDC »).
Les Évêques de l’Église catholique ont accepté les résultats et ont essayé d’encadrer le pouvoir du Président Félix Tshsiekedi au profit du bien commun, sacrifiant ainsi les revendications de Martin fayulu qui s’est longtemps reposé sur leurs épaules.
Mais les différends entre l’Église catholique et un pouvoir qui cherche à s’émanciper n’ont pas tardé à apparaître au grand jour, notamment sur la manière de gérer les questions sensibles du pays.
L’Église catholique est rejointe par l’Église protestante dans cette approche et les deux ont multiplié des appels pour penser au social du peuple, ce qui, en quelque sorte, a pris la forme de mise en garde.
Le dégel a été définitivement rompu avec les deux Églises lorsque le candidat Dénis Kadima a été soutenu par le pouvoir au poste de Président de la CENI. Dénis Kadima ne parvient pas à s’imposer lors de la première sélection, c’est un autre candidat contesté par l’Église qui va s’imposer, à savoir Ronsard Malonda. L’Église catholique est d’abord taxée de tribalisme par les proches du pouvoir en place et des insultes sont proférées notamment contre le Cardinal de Kinshasa Ambongo accusé de vouloir déstabiliser le pouvoir. Des proches du pouvoir attribueront alors à Ambongo des propos à caractère tribaliste avec l’intention d’exclure les baluba, l’ethnie du Chef de l’État, de la CENI. Toutefois, aucune preuve n’a été fournie prouvant que le Cardinal avait tenu des propos tribalistes et l’Église catholique l’a démenti comme étant de la manipulation. Les partisans du pouvoir ont vandalisé l’Église catholique dans le Kasaï, bastion du pouvoir et la résidence du Cardinal de Kinshasa a été attaquée. Cette situation a alors plongé les deux anciens partenaires dans une relation tendue.
La tension est encore montée entre l’Église et le pouvoir lors de la deuxième sélection d’un Président de la CENI centrée autour du candidat Dénis Kadima que l’Église juge trop proche du pouvoir. Elle attribue, en outre, toutes les menaces et tous les trafics d’influence opérés aux proches du Président de la République pour forcer les Chefs religieux à voter Dénis Kadima mais le Président va finalement démentir ce qu’il taxe des allégations simples et non fondées après des vérifications. Le Président a dit qu’il ne trouve pas de reproches à faire à ses proches parce qu’ils n’y sont pour rien mais en même temps, le pouvoir refuse de se plier à la demande des deux Églises de retirer le candidat Kadima de la course.
La guerre hégémonique des Églises
La rivalité entre le pouvoir et l’Église vient s’ajouter à une rivalité ancienne qui oppose les Églises traditionnelles et les six autres Confessions religieuses. Les Églises catholiques et protestantes sont appelées Églises traditionnelles parce qu’elles ont été les premières à pénétrer en République Démocratique du Congo. Dans cette rivalité entre les Églises traditionnelles et les six autres Confessions religieuses parmi lesquelles les Églises musulmanes, les Églises charismatiques et l’Église Kimbanguiste se bousculent aussi dans l’opinion et les six autres ont tendance à vouloir affirmer leur domination.
Pour les deux premières Églises traditionnelles, c’est une bataille pour l’honneur, une bataille qu’il ne faut pas perdre pour ne pas favoriser l’émergence, au même rang qu’elles, de six autres. Le pouvoir s’est retrouvé pris au piège par ces deux blocs. Ainsi, les deux Églises ont tenté de persuader le pouvoir pour que la sélection soit reprise et que les six autres Confessions religieuses amènent un candidat qui ne sera pas le leur. Certains ont cru que cette position des deux Églises étaient le signe de la fatigue mais pour elles, il s’agissait plutôt de faire plier les six autres et maintenir ainsi leur leadership. Dans une interview télévisée depuis les USA, le Président a dit qu’il laissait l’Assemblée nationale faire le travail, jugeant son intervention, dans cette affaire, très dangereuse. Dénis Kadima a été confirmé Président de la CENI et pour les six Confessions religieuses, c’est une victoire historique contre la domination des premières Confessions religieuses. Pour les deux Églises traditionnelles, l’attitude du pouvoir vient de briser une supériorité qu’ils ont longtemps préservée et elles ne sont pas prêtes à lui pardonner.
A ce stade, le dégel est définitivement rompu entre le pouvoir et les deux Églises dites traditionnelles. Pour ces Églises, c’est un sentiment de trahison et pour le pouvoir, c’est un sentiment d’émancipation.
Mais la bataille ne s’arrête pas là.
Les mouvements des Laïcs catholiques et des Protestants viennent au chevet des deux Églises et fédèrent autour des forces sociales et politiques de l’Opposition pour contrer ce qu’ils taxent désormais de « dictature tshisekedienne ». En perdant l’alliance avec les Catholiques et les Protestants, le pouvoir y parviendra-t-il? Le pouvoir s’expose désormais à des manifestations monstrueuses au cours des deux dernières années de son mandat, de la même façon que sous le règne de Joseph Kabila. Ces manifestations ont ébranlé la fin de son règne à la tête de la RDC. Ainsi pour l’Église, il s’agit désormais d’une bataille pour l’honneur. Une première marche prévue pour le vendredi 13 novembre 2021, rassemblant Églises et forces politiques de l’Opposition va servir de test à cette nouvelle dynamique que l’Église s’est construite. La réussite de cette marche pourra amener le pouvoir à penser à une stratégie de réplique mais la plus dangereuse des répliques sera la manipulation des six autres Confessions religieuses pour qu’elles envoient aussi leurs membres dans les rues pour soutenir le pouvoir en place au cas où la marche prenait une proportion inquiétante. Ce genre d’événements pourrait affaiblir davantage Tshisekedi à deux ans de la fin de son mandat et compliquer l’équation de sa réélection.