En République Démocratique du Congo, l’ambitieux programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation peine à décoller. Autrefois perçu comme étant un atout salvateur pour remédier au phénomène groupes armés dans le pays le PDDRC-S n’a pas toujours réalisé son objectif et a vu le nombre des groupes armés augmenter plutôt que diminuer.
La mort de ce programme s’est faite en plusieurs étapes mais on peut retenir trois actes majeurs.
La première phase commence avec la nomination polémique en 2021 d’un ancien rebelle pour s’occuper du programme de désarmer des groupes armes actifs. La nomination est contestée par plusieurs factions de la société civile qui remettent en cause la crédibilité du coordonnateur à peine nommé. La société civile qui est l’une des parties majeures dans l’implémentation du programme refuse de collaborer. Le gouvernement défend à tue-tête la nomination mais peine à convaincre même au niveau des partenaires multilatéraux. Le coordonnateur Tommy Tambwe sera très vite confronté à un autre problème qui le mettra davantage en difficulté. La reprise des armes par le groupe armé M23 dont il fut l’un des membres ne permet pas à la vague des critiques de quitter sa face. Il ne recoit pas non plus les financements dont il a besoin pour faire tourner le programme. Une partie de ces financements provient des bailleurs étrangers qui depuis le départ boudent sa nomination. Jusqu’à son départ Tommy Tambwe a réussi à installer les coordinations provinciales du programme, à faire des ateliers de renforcement de capacité dans les différents pôles, plus de 266 groupes armés locaux et étrangers recensés, mais le PDDRCS ne réussit pas à amener les groupes armés à souscrire au programme de désarmement.
Il est toutefois important de signaler une vague des déclarations venant des groupes armés en 2023 en début d’année. Des groupes tels que NDC-R vouant déposer les armes pour rejoindre le PDDRC-S. Ces déclarations se révèleront plus tard fausses par ce que les groupes en question vont vite rentrer dans la forêt pour reprendre avec leur activisme affirmant que le programme n’a pas pu réaliser leurs attentes du point de vue humanitaire.
Les pourparlers de Nairobi entre le gouvernement congolais et les représentants des groupes armés a accouché d’une souri. Les négociations plusieurs fois interrompues ne parviendront pas à aboutir à un plan concret. Alors que les négociations se déroules les groupes armes intensifient leur activisme sur le terrain pour faire la surenchère politique. Les miliciens insistent sur leur intégration dans l’armée congolaise. Ce que refuse catégoriquement le gouvernement congolais avec ses partenaires étrangers. L’intégration des rebelles au sein de l’armée régulière n’est plus perçue comme une solution après que cette stratégie a fragilisée l’armée congolaise depuis son implémentation. Mais cela restera le principal point de discorde. Nairobi devenait un cercle vicieux où tout tournait en rond. Parmi tant d’autres problèmes les pourparlers de Nairobi constituaient un poids financier pour le gouvernement congolais qui peine à mobiliser des ressources en internes. La prise en charge des frais de voyage et d’hébergement sur place à Nairobi devenait un casse-tête pour le gouvernement et il faut y ajouter des per diem que réclament les représentants des groupes armés. En somme, le surplace de Nairobi ne permettra au PDDRC-S de résorber tous les groupes armés impliques dans les discussions. Les pourparlers ne parviendront pas à assoir un cadre qui définit les contours convenables à une cessation d’hostilités dans l’Est.
Des 120 groupes armés que compte le pays, le M23 est celui que le gouvernement congolais prend un peu plus au sérieux. Perçu comme une création du Rwanda le groupe armé qui, en réalité est une reconversion du CNDP et un peu plus loin en arrière du RCD, représente une menace vis-à-vis de l’intégrité territoriale de la RDC car les revendications du Mouvement n’ont pas évolué dans le temps. Depuis sa résurgence, ce groupe a obtenu des victoires militaires allant jusqu’à contrôler des zones entières du pays. Le gouvernement congolais de son côté continu d’affiner ses stratégies pour défaire la menace et reprendre les zones perdues. Mais la stratégie militaire du pays va vite se heurter à des accords politiques régionaux qui imposent en quelque sorte le statu quo. L’accord de Luanda sous les auspices de la CIRGL qui ordonne un arrêt des combats et un retrait progressif des rebelles. Ou encore les recommandations rigides de la communauté Est-Africaine que le pays a rejoint récemment. Face à ce blocus les groupes armés dits autochtones c’est-à-dire de création congolaise offrent on dirait volontairement leur service au gouvernement congolais pour s’attaquer au M23. Cette offre parait intéressante dans la mesure où elle ne met pas directement en scène les forces armées congolaises. Difficile d’accuser l’armée régulière de violer les accords régionaux aussi longtemps qu’elle n’a pas officiellement reprise les combats. A ce jour le M23 fait face à une résistance des groupes armés declarés autochtones qui se dénomme Wazalendo. Les Wazalendo c’est une symbiose des groupes. On retrouve parmi le NDC-Renove et tant d’autres. Le seul problème dans cette stratégie est que ces mêmes groupes armes mués en coalition Wazalendo sont concernés par les pourparlers de Nairobi et aussi ils sont en quelque sorte les récipiendaires du PDDRC-S. Le gouvernement congolais a promulgué une Loi sur la Réserve de l’armée congolaise. Des critiques pensent que cette loi sert à légitimer le combat des groupes armés. Les groupes armés déclares autochtones passent pour des mouvements patriotiques ou soit des gardiens de la patrie. Leur action contre le M23 est saluée par le gouvernement congolais. Le président congolais a pris la parole pour défendre ces groupes qu’il a qualifié d’héroïques. Ses critiques l’accusent désormais de blanchir les crimes graves de droits de l’homme commis par ces mouvement rebelles dans cette nouvelle approche. Une partie de la classe politique est formelle. Il n’existe pas des groupes armés dans le Nord-Kivu mais des réservistes. S’agit-il d’un effacement exprès de la mémoire douloureuse qui a longtemps hanté les communautés locales ? L’implémentation du PDDRC-S n’excluait pas la dimension de la justice. Car il faille que quelqu’un réponde pour les atrocités commises aux communautés locales. Ces groupes aujourd’hui célébrés en héros rendront-ils encore des comptes un jour ?
Que reste-t-il au PDDRC-S ?
L’idée « Groupe armé » étant dissoute qui désarmer et démobiliser ? L’existence du PDDRC-S est devenue un puzzle.
Le coordonnateur de ce programme a été changé récemment et un nouveau comité nommé. Mais le programme tel que conçu aura perdu déjà peut-être sa raison d’être. Le gouvernement congolais va introduire peut-être une charte que devra signer tout groupe armé qui veut être considéré comme réserviste de l’armée avec des obligations de toutes parts. Ceux qui refuseront d’y adhérer dans un délai prescrit seraient considérés comme des forces négatives. À ce moment-là le PDDRC-S trouvera quand même encore sa raison d’exister parce qu’il devra faire avec les récalcitrants dans une autre procédure. Quelques questions : Les réservistes garderont-ils leurs armes achetées depuis leurs réseaux en stand-by où ils les rendraient à l’armée congolaise. Garderont-ils le contrôle des zones où ils sont positionnés actuellement ? Quel serait le rapport avec l’armée congolaise dans la gestion de ces zones ? Comment réguler leurs activités économiques qui forme en grande partie leur raison d’être ?
L’Oiseau perché