Par L’Oiseau perché
La politique congolaise présentée comme dynamique n’a pas cessé de relever ses secrets au grand jour. La plus grande révélation de ces quatres dernières années aura été certainement Jean-Pierre Bemba, actuel ministre congolais de la défense.
En République Démocratique du Congo, l’opposant historique Étienne Tshisekedi était perçu comme étant le visage paternel du peuple congolais. Tshisekedi était un véritable personnage mythique qui pour le peuple servait d’un contrepoids face au pouvoir Mobutu et Kabila. Pour le peuple du Congo Étienne c’était le dernier rempart vers lequel il fallait se tourner quand le pouvoir essayait de voler leurs droits ou quand ceci les faisait souffrir. On gardera de cet homme ses nombreuses marches populaires et les appels à la ville morte qui font parti des marques indélébiles de l’opposant décédé. Etienne Tshisekedi avait pris de l’âge mais le souhait du peuple était qu’il continu de vivre et surtout que les choses avaient atteinte une phase décisive le départ constitutionnel imminent de Kabila un rendez-vous à pas rater. Le peuple craignait à ce moment-là que sans un contrepoids solide de la trempe de Tshisekedi que Kabila ne change la donne pour se maintenir. Fortement atteint par le poids de l’âge le sphinx a su sacrifier les dernières forces qui lui restait au profit du peuple. Tout est fait et un calendrier réaménagé des élections est promulgué.
Des rumeurs d’un relâchement de Jean-Pierre Bemba de la prison commence à courir et le peuple a un bon sentiment. Bemba est un personnage mythique qui a vécu dans l’imaginaire collectif des congolais. Quoi que détenu en prison à la Haye il continu à inspirer les masses. Face à un Tshisekedi qui s’est affaibli physiquement le peuple voit en Bemba une éventuelle alternative. Le futur Étienne Tshisekedi. Ce sentiment du peuple est nourri par le fait que Jean-Pierre Bemba a été un adversaire de taille pour Joseph Kabila. Ancien vice-président et challenger aux élection de 2006 les soutiens de Bemba pensent toujours qu’il sortira de prison et sauvera le peuple de la dictature de Kabila. Pendant son absence du pays son parti politique le MLC maintien le cap et se pointe dans toutes les élections.
Au mois de février 2017 Etienne Tshisekedi décède à Bruxelles. C’est une page qui se tourne. Le peuple dans son ensemble n’y revient pas. Pour ce dernier un espoir venait de s’envoler. Tshisekedi s’en est allé que reste-t-il du combat contre le régime de Joseph Kabila. Le deuil est général. Des gens sillonnent les rues de la capitale congolaise en larmes. C’est un peuple oppressé qui vient de réaliser qu’il a perdu la dernière résistance anti-Kabila. Nombreux opposants s’attaquent au pouvoir Kabila mais ils n’ont pas le même niveau de crédibilité à la face du peuple car nombreux ont composé avec celui-ci par le passé. Aux yeux du peuple ce sont des aigris et pas des opposants. Avec le deuil d’Etienne Tshisekedi un vide s’installe et cela est ressenti à tous les niveaux. Le peuple désormais orphelin se cherche un nouveau visage paternel, un sauveur et les nouvelles faisant état d’une éventuelle libération de Jean-Pierre Bemba redonnent espoir. Cela n’a pas pris longtemps que Jean-Pierre est libéré de prison et ses charges abandonnées. Optimiste, le peuple attend le retour de son nouveau messie. Des blocs des discussions se forment dans des quartiers. Nombreux sont ceux qui disent qu’avec la libération de Bemba le maintien de Kabila au pouvoir est désormais impossible. Dans ses premiers discours Jean-Pierre donne le go d’une opposition radicale face à Kabila. Ça y est ! L’attention du peuple de tourne désormais vers lui perçu comme étant le prochain visage paternel du peuple.
Après sa remise en liberté Jean-Pierre Bemba ne tarde pas à se rendre en RDC. C’est l’une de plus réussi de comeback que l’on puisse imaginer. Les masses sont dans les rues et plus de 60000 personnes sont au rendez-vous. La capitale Kinshasa n’a pas respiré pendant trois jours. Des slogans tous genres sont lancés contre Joseph Kabila. L’atterrissage de Bemba est perçu comme étant un moment historique. Les premiers images de l’homme dans le salon officiel font bouger le pays. Igwe, le Bayimoto, le chairman signe son grand retour au pays. Sa candidature à l’élection présidentielle est écartée. Le régime Kabila fait le rapprochement entre la condamnation irréversible de Bemba pour subornation des témoins à la Haye avec l’infraction de corruption. Le peuple n’est pas démobilisé par la nouvelle car pour lui écarter Bemba permet d’affiner ses expressions de grand opposant au régime. Les jours à venir sont prometteur.
L’Opposition congolaise se prépare à se doter d’un candidat commun. Jean-Pierre Bemba écarté des élections peut du moins apporter sa bénédiction à un autre candidat de l’opposition. A l’issue d’un processus de sélection l’opposant Martin Fayulu est choisi comme dauphin de l’opposition.
Les résultats des élections sont contestées. Tous les indicateurs sérieux donnent Martin Fayulu gagnant de l’élection présidentielle et même la très influente église catholique. Mais la messe est déjà dite c’est un autre opposant accusé pendant la campagne de rapprochement avec le bloc Kabila qui est proclamé Président de la République. Jean-Pierre Bemba conteste la victoire de Félix Tshisekedi. Cet avis est partagé par une large majorité des congolais que estiment que la victoire de Martin Fayulu a été volée. Le positionnement de Bemba dans la question aide le peuple à maintenir son optimisme sur lui. Car si ça ne l’a pas été avec Fayulu, nombreux sont ceux qui pensent que Jean-Pierre Bemba était le candidat le plus valable pour l’opposition face à Kabila.
Le bloc LAMUKA constitué de Bemba et Fayulu appelle le peuple à résister contre Félix Tshisekedi présenté désormais comme le vrai dauphin de Kabila à l’élection présidentielle de 2018. Vite, Tshisekedi entrera en alliance gouvernementale avec le Front Commun pour le Congo de Joseph Kabila. Le camp Bemba bascule dans l’opposition et la première manifestation anti-Tshisekedi/Kabila est organisée. A la veille de cet événement en 2019, quelques leaders de l’opposition censés participer à la marche se retrouve à l’étranger sauf Bemba. Jean-Pierre est alors le seul leader majeur de l’opposition qui marche aux côtés du peuple ce jour-là. A son appel, plus de 40000 personnes sont descendus dans les rues de Kinshasa. Pour le peuple, Jean-Pierre est le nouveau visage paternel du peuple. Il faut s’attendre à des beaux jours dans l’avenir si Félix Tshisekedi osait de dériver.
Après ce grand display et de l’espoir semé par le peuple, coup de théâtre. Jean-Pierre Bemba décide de rejoindre les consultations initiées par le Président Tshisekedi en vue de la formation d’un gouvernement d’union après la dissolution de son alliance avec Joseph Kabila. Plus personne ne comprend plus rien car à ce moment-là déjà le peuple porte plusieurs griefs à l’actif du régime Tshisekedi. Désormais aux côtés de Tshisekedi, le peuple est désillusionné. Mais il espère toujours que Jean-Pierre ferait marche arrière pour rejoindre les attentes que le peuple porte sur lui. Celui d’un visage paternel qu’il conduit jusqu’aux portes du pouvoir.
Dans le pays, la gouvernance Tshisekedi patine. Ses opposants parlent d’un fiasco. La courbe de la corruption est restée intacte et les vieilles pratiques autrefois dénoncées ont été exacerbées. La situation sociale du peuple dégringole encore plus. Les pauvres politiciens d’hier sont les nouveaux riches. Pour le peuple il est clair que Kabila est parti mais le système Kabila demeure et s’enracine davantage. Tshisekedi et ses proches partagent ce bilan et Jean-Pierre Bemba est touché au même titre. Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Pourquoi Jean-Pierre Bemba n’a pas vécu selon les attentes et selon l’attention que le peuple porte sur lui ? A cette question, certains parlent d’une stratégie de la part de ce dernier et qu’il rebondira un jour sous une certaine forme. Il est présenté comme étant le prochain dauphin de Félix Tshisekedi. D’autres pensent par contre que Jean-Pierre a servi ses intérêts personnels contre les attentes du peuple. Cette opinion a tendance à s’inspirer des procès que Jean-Pierre Bemba a initié dans tous les sens pour récupérer ses droits auprès de l’Etat congolais et qui en trois ans lui ont rapporté de la fortune. Un tel succès devant les juridictions du pays ne seraient pas possible sans un rapprochement avec le pouvoir. Quoi que cette opinion estime que Bemba devait recouvrir ses droits elle estime que celui-ci pouvait accepter de peiner en attendant que le peuple ne le conduise aux portes du pouvoir.
Félix Tshisekedi venait de promulguer un nouveau gouvernement. Jean-Pierre Bemba qui jusque-là était en dehors de l’exécutif ce qui faisait croire à la population qu’il allait rebondir vient d’accepter un portefeuille ministériel. Il est le nouveau ministre de la Défense sous Tshisekedi et cela pour le peuple marque certainement la fin d’un mythe. Jean-Pierre, va-t-il ressusciter ou pays n’aura pas vécu selon les attentes du peuple qui voyait en lui un visage paternel et un second Étienne Tshisekedi. Les espoirs de pouvoir voir émerger un second Étienne s’éloigne encore un peu plus. L’opposition actuelle partant de Martin Fayulu jusqu’à Richie Lontulungu, personne n’a vécu encore au niveau d’Etienne. Parlant du Sphinx Tshisekedi, doit-on peut-être conclure qu’à chaque époque ses propres hommes.