12 avril 2021
Félix-Antoine Tshisekedi est président de la République Démocratique du Congo (RDC) depuis janvier 2019. Il a pris le pouvoir à l’issue d’une élection sans précédent dans l’histoire récente du pays. La RDC est le deuxième pays le plus vaste de l’Afrique, peuplé de quelques cent millions d’habitants et présider à sa destinée est un exercice hors du commun. La RDC est riche en ressources naturelles mais financièrement très pauvre. Ses besoins pourraient constituer des enjeux du passé sous d’autres cieux et quand on devient son président, il faut y faire face avant de rêver gros.
La déroute
Le président Félix Tshisekedi a pris les commandes d’un pays financièrement par terre et économiquement affaibli. Les défis de la RDC ne s’arrêtent pas qu’à ces deux gros soucis. Il a repris un pays cerné par plusieurs groupes rebelles et un pays diplomatiquement exclu de plusieurs salons. Il a aussi hérité d’un pays où le peuple se cherche pour sa survie quotidienne et où l’épargne des ménages n’existe pas. La RDC a été dépouillée de tous les gros investissements directs étrangers depuis les conflits armés de 1998. L’économie ne survit que grâce à quelques capitaux des hommes d’affaires congolais, chinois, indiens, pakistanais et libanais. Les Congolais qui tiennent des capitaux proviennent pour la plupart de l’ancienne classe bourgeoise de l’ère Mobutu. Pour mieux conserver leurs fortunes, ils se sont convertis en hommes d’affaires. Une autre partie de l’économie est entre les mains d’une même famille politique (des proches de l’ancien régime Kabila). Au pays du président Félix Tshisekedi, les parents avaient du mal à payer le minerval de leurs enfants et dans des familles vulnérables, les enfants n’allaient même pas à l’école.- Comment entamer des grands chantiers dans un pays où il faut tout d’abord satisfaire les besoins primaires déjà révolus sous d’autres cieux? La situation sociale de la RDC présente une configuration unique au monde. C’est un pays où les besoins du passé cohabitent avec ceux du présent. – Comment payer l’internet quand il faut apprendre la manipulation de l’ordinateur à son peuple? – Comment ne pas payer l’internet lorsqu’une partie de son peuple dispose d’un ordinateur? C’est dans ce genre de paradoxe que la RDC survit. Il est difficile, pour un président, d’engager des grands chantiers quand il faut commencer à satisfaire d’abord les besoins primaires de sa population.
La ruine économique
L’économie congolaise ne dispose que de quelques 5 milliards de dollars US ou même moins pour son budget annuel et quelques 800 millions de dollars US comme réserves en devises étrangères malgré ses énormes richesses naturelles.. Avec ça, il faut construire des routes, des hôpitaux, servir de l’eau potable aux populations, disponibiliser l’énergie électrique, gérer le prix du carburant, conduire la guerre à l’Est du pays, couvrir les imprévus (comme coronavirus), couvrir les urgences humanitaires (presque mensuellement). En réalité, le pays suffoque.Depuis la nuit des temps, plusieurs secteurs de la vie ont été laissés sciemment de côté pour servir, dans la mesure du possible, quelques-uns.
Le trompe-l’œil du politicien
À côté de tous ces défis, il existe une certaine classe politique qui cherche à faire croire que tous les problèmes peuvent être résolus en un seul jour. Cela est faux car ces dix-sept dernières années, tous les secteurs du pays n’ont fait que régresser. Le président Félix Tshisekedi est perçu comme un réparateur des ratés de ses prédécesseurs pour que le pays reparte sur des bases solides. Depuis longtemps, une classe politique, peu soucieuse de sa population, s’est constituée en RDC. Elle préfère le luxe de la capitale Kinshasa. Dans les provinces, les populations vivent dans une situation dramatique. Pour ces populations l’Etat congolais n’existe tout simplement pas. Cette classe politique, pour laquelle l’intérêt général n’existe pas, s’est octroyée le luxe pour elle-même, oubliant les populations. Cette sorte de machiavélisme est aussi l’une des voies inhumaines pour contrôler les populations. Ainsi, dans plusieurs villages, quelques politiciens prenaient en charge les frais de scolarité des enfants et leurs soins de santé. mais en contrepartie, les membres de leurs familles devenaient leurs électeurs éternels. Cette pratique continue encore jusqu’à ce jour.Le président Félix Tshisekedi veut changer cette situation et cela ne peut pas plaire à tout le monde.
L’éducation pour tous
Depuis son avènement au pouvoir, il a instauré la gratuité de l’enseignement primaire, une mesure courageuse au regard de la modicité des recettes du pays mais personne ne donnait de chance de réussite à ce projet. Deux ans après, jour pour jour, ce projet survit toujours. Il a attiré l’attention des partenaires multilatéraux. Cependant, ce projet a reçu des attaques. Les enseignants sont assez souvent manipulés par des politiciens pour saboter chaque rentrée scolaire or tous les Congolais devaient se mobiliser pour accompagner et soutenir leur président.
Le Congo, un paradis fiscal
En RDC, les riches ne paient pas leurs impôts. Toutes les charges retombent sur la majorité pauvre de la population. En réalité, qui gagne plus devait payer plus mais cela n’est pas le cas ici. Le président Félix Tshisekedi veut mettre sur pied une régie financière saine pour le pays et s’assurer que chaque Congolais paiera ses impôts. Il est conscient que l’accroissement des recettes permettra d’entamer des grands projets modernes tels que doter le pays d’un réseau urbain de transport et d’un métro. Plusieurs évasions fiscales sont organisées avec le mécanisme des exonérations. Sous l’ancien régime, la plupart des sociétés de renom recouraient à cette pratique pour se soustraire de la douane congolaise et cela sous le parrainage des politiciens influents du régime. Cette réforme du Président fera des mécontents.
Un climat des affaires délétère
En RDC, on pouvait placer ses capitaux et les perdre à partir d’une simple humeur des hommes forts du régime. La plupart des visiteurs étrangers ont vu leurs fonds dilués en RDC sans que leurs projets n’aient réussi à voir le jour. D’autres encore ont été déstabilisés parce qu’ils ne versaient pas mensuellement des dûs à certaines personnes n’ayant pas pourtant des parts dans ces projets. Le président Félix Tshisekedi est aussi conscient que son pays n’a pas de fonds souverain comme garantie à l’investissement. Il s’empresse de constituer ce fonds. Il a mis en place une agence pour les investissements directs étrangers. Ce projet non plus n’est pas exempté des critiques de la part de ses détracteurs dans le pays.
Les groupes armées et les mafias
Le président Félix Tshisekedi a hérité d’un pays qui est devenu, depuis, un paradis pour les groupes armés et les mafias. Au cours de dix-huit dernières années, les massacres des populations dans la partie Est du pays ne s’arrêtent pas. Depuis son arrivée au pouvoir, le président Félix Tshisekedi a engagé plusieurs actions pour modifier la situation. Il a procédé à des changements dans le commandement militaire, il a eu des pourparlers directs avec les pays voisins et a obtenu la collaboration des États Unis d’Amérique pour éradiquer ces troupes rebelles. Il a collaboré avec les anciens rebelles pour qu’ils sensibilisent et motivent leurs anciens collègues dans le souci d’obtenir le dépôt des armes comme cela avait été le cas en Colombie. Ce pragmatisme du Président ne satisfait pas non plus les mécontents qui pensent que la situation n’évolue pas et cherchent à en tirer un crédit politique. Mais comment changer en une année une situation cumulée pendant dix-sept ans?
La réforme de la justice
Le président Félix Tshisekedi est engagé à réformer l’appareil judiciaire congolais. Il y a encore quelques années, la justice était l’apanage des hommes forts du régime. Cette justice ne servait qu’à punir les opposants au régime et à trancher des cas en faveur des hommes forts. Comme partout à travers le monde, l’indépendance de la justice dépend aussi de la volonté politique du chef de l’Etat. Le président Félix Tshisekedi est pour une justice congolaise indépendante et efficace. Ses critiques pensent qu’il est trop large avec la justice. Quand un président n’a pas de problèmes avec sa justice et qu’il n’a rien à se reprocher, pourquoi s’ingérera t-il dans ses décisions et ses procédures? L’autre chantier du président Félix est une justice accessible à tous les Congolais moyens comme pauvres. Le statut des hommes forts doit être banni du pays. En RDC, les pauvres ne trouvent souvent pas gain de cause et préfèrent faire de compromis avec des puissants plutôt que de rechercher la justice. Les avocats de la République ne s’engagent pas non plus aux côtés de ces populations. Leurs parcelles ont été arrachées, leurs femmes et enfants violées sans intervention de la justice.
L’accès au pouvoir
Le président Félix Tshisekedi a pris le pouvoir en 2018 dans un contexte difficile. L’alternance aurait-il été possible sans le sacrifice du président Félix Tshisekedi? En acceptant de prendre le pouvoir, le président Félix Tshisekedi a accepté de conjurer un sacrifice pour lequel il savait le prix à payer sur sa personnalité. Pour le bien de la nation, il ne pouvait pas se retenir. Loin l’idée de croire qu’il a aidé à sauver un régime. Il a plutôt joué à la sagesse pour éviter le pire à son pays. Qu’est-ce qui arriverait à l’ancien président Kabila si celui-ci n’avait plus autre alternative possible entre Fayulu et Félix? L’alternance serait-il possible? Quelle action la communauté internationale allait entreprendre en RDC ? C’est exactement à un tel moment de l’histoire que tous les regrets sont rendus possibles. Le destin du président Félix Tshisekedi n’est pas loin de ressembler à celui de Mzee Kabila et ses alliés de la coalition. Visiblement, il se bat pour rétablir le Congo à sa place, à son rang de grandeur. C’est justement les personnes qui accèdent au pouvoir de cette manière qui pensent qu’ils doivent du sérieux à leur peuple, qui ont le goût du jugement et l’appétit de la preuve. Et c’est exactement ce qui arrive aujourd’hui de bénéfique à la RDC.
Un deuxième mandat ou non
Le règne du président Félix Tshisekedi est mis à mal par des rumeurs sur un deuxième mandat. Jusque-là, le président n’est qu’à son premier mandat et il reste dans les exigences constitutionnelles. Les rumeurs courent selon lesquelles le président serait lié à un accord pour soutenir un candidat de son prédécesseur en 2023. Tout arrangement fait hors du cadre légal du pays et de la constitution ne peut pas avoir force de loi pour un peuple. Pour les Congolais, un tel accord n’existe pas. S’il existe, ça sera illégal. C’est au peuple de décider s’il veut accorder un second mandat à un président ou non.
