UDPS, Le peuple d’abord. Ce slogan a résonné depuis près de trois décennies en République Démocratique du Congo. Présentée comme une alternative aux régimes dictatoriaux et oppressifs qui se sont succédé à la tête du pays, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social avait fait rêvé les congolais. Tous ceux qui croyaient a un possible changement sont passés par là comme membres.
De Mobutu à Joseph Kabila, l’UDPS a longtemps été perçue comme le contrepoids valable face au pouvoir. Entre la mobilisation des masses populaires dans les rues et les journées villes mortes historiques le parti n’a pas eu d’égal dans l’histoire du pays ou même de l’Afrique inspirant les combats des opposants charismatiques comme Jean Ping au Gabon ou encore Raila Odinga au Kenya. Le décès du leader historique du parti UDPS en 2017 est un choc qui est ressenti de la RDC jusqu’à l’étranger. Pour le peuple la perte d’un visage paternel de la trempe de Tshisekedi ne laisse pas beaucoup d’espoir de voir la lumière luire dans le futur surtout face à un régime Kabila autoritaire. Félix Tshisekedi est alors présenté comme le successeur de l’idéologie de son père qui aura été axée vers le peuple et sans compromission. Déjà à entendre le nom Tshisekedi cela procure au peuple un brin d’espoir. L’homme est vite propulsé à la tête du Parti historique. Une année plus tard, il conduit l’UDPS aux élections et remporte l’élection présidentielle. Le peuple fera fi de regarder la manière dont cette victoire est obtenue car pour lui le changement est ce qui comptait le plus et il n y a pas plus meilleur à espérer que l’UDPS qui a incarné la ligne radicale contre Kabila.
A sa prise des fonctions, le désormais nouveau chef de l’Etat essuie un bain des foules lors de ses passages. Le peuple ne peut pas retenir sa joie car un rêve vient de se réaliser. En Félix Tshisekedi, le peuple espère juste tourner la page aux vieilles pratiques qui ont ruiné le pays jusque-là. Il faut mettre fin à la corruption et au coulage des deniers publics, construire le social du peuple, doter le pays des infrastructures digne de ce nom, mettre fin à un système qui a longtemps profité à des individus qu’au peuple qui est le souverain primaire.
Premier geste. Comme l’ancien Président Kasa-vubu, le président Tshisekedi reverse à la caisse de l’Etat le restant des frais de sa première mission à l’étranger. Du jamais vu en RDC depuis plus de quatre décennies. Le peuple admire ce geste du Président sans savoir que ça sera la dernière fois qu’il l’aura fait. Le Président compose son premier cabinet. Il s’agit d’une équipe pléthorique mais aussi qui fait office de gouvernement bis. Tous les ministères ou presque sont repris. Les congolais découvrent vite que le système n’a pas changé. Les premières accusations de corruption et de détournement des deniers publics tombent. Le nouveau régime ne se dédit pas mais organise dans la foulée des procès pour tenter de sauver l’image du parti historique. A l’époque le peuple parle déjà d’un procès factice pour amener la barque à traverser la rivière tumultueuse. Les condamnations sont dites mais le peuple n’y croient pas vraiment. Plus tard tous les condamnés sont relâchés et rien ne sera dit quant aux centaines des millions de dollars disparus. De l’autre côté, le cabinet du Président est continuellement en dépassement budgétaire qui excède les 200%. Les organisations de la société civile qui font le monitoring de la dépense publique alertent. Le Président de la République déclare la gratuité de l’enseignement de base. Une mesure censée réconcilier le régime en perte de confiance aux yeux du peuple. Mais là encore la mesure montre ses limites. Les écoles conventionnées sont finalement permises de fixer les frais scolaires qui portent désormais le libellé de frais de fonctionnement avoisinant les 300$ par élève. Le Président multiplie des promesses mais les réalisations ne suivent pas. Quand le peuple se plaint du niveau de vie difficile, le Président affirme par exemple avoir trouvé la clé pour mettre fin à la famine dans le pays mais sans suite. Les problèmes s’accumulent et le pouvoir n’est plus que l’ombre de lui-même. Les M23 font leur retour soudain et le peuple se pose des questions. Le pouvoir s’engage à éradiquer la menace mais perd sur le terrain militaire. Il fait appelle à des forces étrangères prédatrices en même temps pour aider à fixer le problème. Le pouvoir se targue que ces forces vont combattre les M23. Une fois sur place la réalité est autre. Rien ne se passe comme prévue et les congolais craignent désormais de ne plus reprendre le contrôle du pays dans la partie Est. Le Président Tshisekedi avait pourtant déclaré que son mandat à la tête du pays devra être considéré comme un échec s’il ne parvient pas à regler le problème de la crise sécuritaire dans la partie Est. Quatre ans après la situation est au statu quo. Quelques proches du président et du système sont arrêtés pour complicité dans l’affaire M23 et d’autres sont cités dans des affaires de corruption à sensation. Au vue de tout ce qui précède, s’est formé un courant dans le pays qui exige désormais le retour de l’ancien Président Kabila au pouvoir. L’homme est maintenant adoubé par le peuple et il se réjouit des bains de foule à chacun de ses passages. Il ne reste alors plus rien au parti historique UDPS que de prendre la défensive et de contre-attaquer lorsque des critiques évoquent le bilan du Président Tshisekedi.
Quatre ans plus tard, le président Tshisekedi pressenti comme étant le messie congolais au début de son règne sillonne toujours les grandes rues de la capitale. L’homme n’est plus que l’ombre de lui-même et les foules ont déserté ses rangs. Le cortège présidentiel s’est renforcé avec plus d’éléments de sécurité et le régime tente maintenant de s’enfermer sur lui-même. Les nominations du Président à des fonctions de responsabilité laissent à desirer avec son ethnie qui sort en tête dans la plus part des positionnements. Cette situation qui a perduré depuis quatre ans déjà, en dépit des appels à rectifier la politique de l’Etat en matière de répartition des opportunités disponibles, a fini par diviser la population et à retourner une partie d’elle contre les peuples du Kasaï. Il est possible que les peuples du Kasaï pourraient tomber victimes d’un pouvoir qui chercherait à se cacher derrière eux pour se faire une certaine opinion favorable, alors qu’en réalité le système profiterait plutôt à des individus et non aux provinces de l’espace Kasaï.
Quatre ans après, le parti UDPS lui-même est ruiné pas des divisions en interne. La répartition inéquitable des opportunités a fait qu’un certain nombre des cadres restés à la traîne boudent. La d’échéance de Jean-Marc Kabund et sa mise en état d’arrestation a davantage fissuré le parti. Jean-Marc étant le dernier secrétaire général du parti nommé par son fondateur historique Étienne Tshisekedi, était perçu comme l’héritier testamentaire de celui-ci. Autres problèmes, le mandat du Président Tshisekedi à la tête de l’UDPS a pris fin depuis le 31 mars 2023. Ce dernier avait désigné en son temps un secrétaire général et un président par intérim dont les mandats étaient tibutaire au sien. A l’expiration de son mandat, le congrès du Parti UDPS n’a pas été organisé renforçant ainsi la crise de confiance des adhérents vis-à-vis du comité dirigeant actuel.
En RDC, un nouveau gouvernement venait d’être promulgué par Tshisekedi pour tenter de réparer à 9 mois des élections mais le peuple a probablement perdu tout espoir et appelle à des élections de tous ses vœux.
Les masses historiques du parti UDPS ont disparu et une bonne partie de la population croit désormais que le combat trentenaire n’a pas abouti ou que les pionniers dans le combat se sont fait remplacés par des gens qui ne sont pas porteurs de la même vision.
A l’approche des élections de 2023, le Président Tshisekedi vient de lancer une plateforme électorale Union sacrée qui rassemble des partis politiques voués à le soutenir lors des élections de 2023 alors qu’il tente de briguer un second mandat. C’est un regroupement balaise sous le format du Front commun pour le Congo que Joseph Kabila avait initié à la veille des élections de 2018. Des observateurs avisés comprennent que le parti UDPS s’est effondré et a perdu sa capacité de mobilisation. En 2018, l’UDPS est allée aux élections seule et sans pour autant s’affilier à aucun regroupement politique. Le parti qui est parvenu à battre le seuil électoral de 1% tout seul, craint 4 ans après un écroulement total avec des élections très attendue en 2023. Le parti présidentiel tentent de tabler sur des leaders ethniques pour tenter de mobiliser le vote à travers le pays. Toutefois, l’histoire politique de la RDC démontre que les mots d’ordre fonctionnement rarement auprès des électeurs, à voir le cas du candidat Président Emmanuel Shadari en 2018. Il faut peut-être craindre que les mêmes méthodes produisent les mêmes effets.