Par Victoire Ingabire Umuhoza
Depuis que le Département d’Etat a annoncé la tournée du secrétaire d’Etat Antony J. Blinken dans plusieurs pays, dont la RDC et le Rwanda, l’encre a coulé, vu que les États-Unis ont été identifiés comme interlocuteur bilatéral lors du deuxième conclave des chefs d’État sur la RDC tenu à Nairobi en avril 2022 et qu’ils sont membre du Groupe international de contact sur la région des Grands Lacs ainsi que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Les États-Unis sont également un partenaire important de développement du Rwanda. Et pour ceux qui sont préoccupés par l’insécurité à l’est de la RDC et qui œuvrent depuis des années pour instaurer une paix durable dans cette partie de l’Afrique, ils ont l’espoir que cette visite apportera un changement.
Le département d’État a informé que le secrétaire d’État Antony Blinken rencontrera de hauts responsables du gouvernement de la RDC et des membres de la société civile pour discuter de l’intérêt mutuel, y compris, entre autres, le soutien aux efforts africains régionaux pour faire progresser la paix dans l’est de la RDC et dans la région élargie des Grands Lacs. Au Rwanda, le secrétaire d’État rencontrera également de hauts responsables du gouvernement rwandais et des membres de la société civile pour discuter des priorités communes. Il se concentrera entre autres sur le rôle que le gouvernement du Rwanda peut jouer dans la réduction des tensions et de la violence en cours dans l’est de la RDC.
La sous-secrétaire américaine aux affaires africaines, Molly Phee, a précisé qu’en RDC et au Rwanda, la secrétaire soulignera la nécessité du respect de l’intégrité territoriale et explorera comment les États-Unis peuvent soutenir les efforts visant à réduire les tensions. Elle a ajouté qu’à chaque arrêt, la secrétaire d’État cherchera à échanger sur l’importance de la démocratie, de la bonne gouvernance et du respect des droits de l’homme.
Monsieur Antony J.Blinken vient visiter deux pays dont les relations sont mauvaises depuis la réapparition du M23, selon le rapport des experts des Nations-Unis, cette rébellion est soutenue militairement et financièrement par le Rwanda, ainsi que le dénonce le Gouvernement congolais depuis mai dernier.
Du côté rwandais, le porte-parole du gouvernement a déclaré que le Rwanda ne pouvait « commenter un rapport non publié et non validé » et que si « la question des FDLR, (une rébellion rwandaise qui combat le régime de Kagame depuis les années 2000) ne sera pas résolue il n’y aura pas la paix dans la région des Grands Lacs ».
Ainsi donc, le Rwanda et la RDC s’accusent mutuellement de soutenir des rébellions (M23 et FDLR) qui combattent leur gouvernement respectif et ce serait ces rébellions qui sont la cause d’une situation sécuritaire chaotique à l’est de la RDC depuis deux décennies, soit depuis la première guerre du RD Congo (1996-1997) en passant par la deuxième guerre du RD Congo (1998).
Au passage, ces guerres cycliques ont fait de millions des victimes parmi les civils et tout autant de réfugiés et de déplacés de guerre. Malgré la signature de plusieurs accords de cessez-le-feu ainsi que de nombreuses opérations militaires régionales et internationales (dont la MONUSCO) contre ces rébellions, la situation à l’est de la RDC n’a guère évolué en près de 25 ans !
Compte tenu de l’échec sur le plan militaire, on en vient à se demander s’il n’est pas plus que temps de privilégier une solution qui s’intéresse aux causes profondes qui mènent les différents adversaires politiques de la région à prendre les armes et à faire la guerre à leur gouvernement.
En tant que membre d’une opposition indépendante au gouvernement rwandais, c’est exactement dans ce sens que je souhaite voir le Secrétaire d’Etat américain œuvrer, en proposant des actions et de gestes concrets pour éradiquer les causes profonds du conflit dans l’est de la RDC.
L’insécurité qui perdure dans la région découle notamment de l’absence de démocratie pluraliste, la culture de l’impunité, le non – respect des droits et de liberté des citoyens, la mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion des ressources économiques.
La démocratie et la bonne gouvernance ne sont pas seulement la tenue d’élections législatives ou présidentielles, mais l’assurance que toutes les voix politiques du pays sont entendues et respectées, la lutte contre l’impunité politique, le respect des droits et de liberté des citoyens, la liberté d’expression et surtout la mise en place d’un système de gestion du pouvoir politique éthique et équitable.
Je pense qu’un consensus sur ces questions doit être atteint, au travers un dialogue incluant toutes les principales parties prenantes et en tenant compte du nouveau paysage politique de chaque pays de la région.
Pour le cas du Rwanda, ce dialogue devrait permettre au pays de rénover son système de gouvernance et de revigorer la démocratie en établissant de nouvelles règles de gestion du pouvoir politique et la mise sur pied d’institutions fortes qui sécuriseront et rassureront tous les Rwandais, y compris ceux qui font partie des groupes armés actifs dans l’est de la RDC et des réfugies Rwandais.
Le dialogue inter-rwandais est le seul moyen légitime et durable afin de mettre fin aux cycles de violences politiques que les Rwandais connaissent depuis 65 ans et qui ont exacerbé les conflits dans l’est de la RDC. Par conséquent, ce dialogue apportera une paix authentique dans la région des Grands Lacs, et plus particulièrement à l’est de la RDC. Le résultat de ce dialogue est conforme à la stratégie de l’administration Biden, que représentera le Secrétaire d’Etat Anthony Blinken. Il s’agit de promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance et la sécurité sur le continent Africain.
De mon côté, je reste de ferme conviction que la paix dans la sous- région restera menacée tant qu’une solution appropriée au très lourd contentieux inter-rwandais ne sera pas mise en œuvre.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale de Tamtam News. __________________________________________